Faire de la France le leader du data center durable
Depuis quelques jours, les annonces spectaculaires en matière d’Intelligence Artificielle s’enchaînent. Plus de 60 entreprises annoncent leur alliance « EU IA Champions Initiative » à l’occasion du sommet mondial pour l’action sur l’IA, plus de 109 milliards d’euros s’apprêtent à être investis dans ces chantiers, tandis que la France lance Le Chat (Mistral) et annonce la création d’un data center géant sur son territoire.
La révolution de l’Intelligence Artificielle est en marche et implique des besoins croissants en data centers.
L’ Agence internationale de l’énergie indique que la demande énergétique des centres de données croît régulièrement, stimulée par l’augmentation du trafic de données (+40 % par an à l’échelle mondiale).
Ces infrastructures, indispensables au stockage et au traitement des données, ont vocation à se développer massivement sur le territoire. Derrière cette innovation, une question stratégique se pose : avec quelle énergie allons-nous alimenter ces géants numériques?
La réponse ne peut être ni l’inaction ni le statu quo. La France a un choix à faire. Soit nous accompagnons cette révolution avec des solutions durables et souveraines, soit nous restons spectateurs d’un modèle qui nous enferme dans une dépendance énergétique et numérique.
Un monstre énergétique en devenir
Aujourd’hui, les data centers consomment déjà près de 5 TWh d’électricité par an en France, l’équivalent de plusieurs millions de foyers. Demain, cette consommation explosera, portée par l’intelligence artificielle, le cloud et la digitalisation de tous nos services. Allons-nous faire face à cette demande croissante avec des énergies fossiles importées, ou allons-nous faire de cette révolution numérique un moteur de notre transition énergétique ?
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : un enjeu stratégique qui ne peut être laissé aux seules lois du marché ou aux décisions des GAFAM. Si nous ne faisons rien, la France sera contrainte d’importer toujours plus d’électricité carbonée, tandis que d’autres pays développeront des solutions plus vertueuses et plus compétitives. Laisser cette question sans réponse, c’est accepter de dépendre encore longtemps d’un modèle énergétique à bout de souffle, polluant et instable.
La France a les moyens de sa souveraineté énergétique
Nous avons tout pour réussir. La France bénéficie d’un mix électrique déjà largement décarboné grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables. Les énergies renouvelables représentent déjà 26 % de notre production électrique.
Mais ce potentiel est sous-exploité. Pendant que d’autres pays encouragent activement l’installation de fermes solaires et éoliennes pour alimenter leurs infrastructures numériques, nous continuons à freiner nos propres capacités. La question n’est pas uniquement technologique, elle est politique.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’un engagement clair : chaque nouveau data center doit être associé à une production d’énergie renouvelable locale et compétitive. Cela implique une simplification des procédures administratives pour accélérer le développement des projets éoliens et solaires. Cela signifie aussi un soutien aux entreprises françaises du numérique pour éviter que ces infrastructures stratégiques ne tombent aux mains d’acteurs étrangers qui décideraient demain de nos priorités.
L’énergie verte, opportunité économique et sociale
Investir dans une énergie propre pour les data centers, c’est aussi un choix économique. Aujourd’hui, les énergies renouvelables sont les plus compétitives du marché. Chaque mégawatt d’éolien ou de solaire installé en France, c’est de l’électricité à un prix stable, loin des crises géopolitiques et des spéculations sur les énergies fossiles.
C’est aussi un levier pour l’emploi et l’aménagement du territoire. Plutôt que de voir ces data centers s’installer dans des zones où ils ne profitent à personne, faisons-en des moteurs de développement local. Encourageons la création de fermes solaires couplées à ces infrastructures, développons des parcs éoliens pour les alimenter, impliquons les collectivités dans ce nouveau modèle énergétique.
Les technologies existent. L’engagement des entreprises du secteur aussi. Ce qui manque, c’est un cadre ambitieux et volontariste pour faire de la France un leader du data center durable.
Data centers responsables : que dit l’Europe ?
Si les Directives européennes relatives à l’efficacité énergétique sont claires en matière d’objectifs généraux, aucune obligation spécifique n’est affectée aux activités des data centers.
Pourtant, la Commission Européenne, dès 2020, encourage un développement responsable des activités numériques : « […] il est tout aussi clair que le secteur des TIC doit connaître sa propre transformation écologique. […] Les centres de données et les télécommunications devront améliorer leur efficacité énergétique, recourir à la valorisation énergétique des déchets et utiliser davantage de sources d’énergie renouvelables. Ils peuvent et doivent devenir neutres sur le plan climatique d’ici à 2030. » (“Façonner l’avenir numérique de l’Europe”).
Des professionnels du stockage ont par ailleurs lancé en 2021 le Pacte pour un centre de données climatiquement (CNDC), visant la neutralité carbone à l’horizon 2030. Plus d’une centaine de signataires se sont donc engagés dans cette transition vertueuse.
Faire le choix du progrès
Laisser les data centers se multiplier sans se soucier de leur alimentation énergétique serait une erreur historique. Nous avons l’opportunité d’en faire des symboles de notre indépendance énergétique, de notre compétitivité économique et de notre engagement écologique.
La France a su prendre des décisions courageuses par le passé pour garantir son indépendance énergétique. Il est temps d’en prendre une nouvelle : faire des data centers les premiers consommateurs d’une électricité 100 % française et 100 % renouvelable.
C’est un choix politique, économique et industriel. C’est un choix pour l’avenir. Il est temps de le faire.