Réponse à l’ancien monde anti-ENR:
Eclairer le débat
Par Nicolas UGALDE-LASCORZ, Directeur Général VDN GROUP
La tribune publiée dans Le Point intitulée « Nous dénonçons le développement à marche forcée des énergies renouvelables » repose sur des prémisses discutables. Il est essentiel d’éclairer le débat public avec des données vérifiées et des perspectives constructives. Loin de répondre à une idéologie, l’accélération des énergies renouvelables (ENR) est une réponse pragmatique aux défis économiques, sociaux et environnementaux actuels.
La France, grâce à son parc nucléaire et hydraulique, dispose d’une électricité déjà largement décarbonée, avec environ 90 % provenant de sources bas carbone. Cependant, cette analyse ne prend pas en compte les enjeux futurs. Dès aujourd’hui et jusqu’en 2050, l’électrification des usages, notamment dans les transports, l’industrie et le chauffage, entraîne et continuera d’entraîner une hausse importante des besoins en électricité. Une stratégie reposant exclusivement sur le nucléaire ne suffira pas à répondre à cette demande croissante, d’autant plus que de nombreux réacteurs actuels atteindront leur fin de vie dans les prochaines décennies. Selon le rapport de RTE sur les scénarios à horizon 2050, seul un mix combinant énergies renouvelables et nucléaire permettra de répondre à ces besoins tout en atteignant les objectifs climatiques, en garantissant à la fois la sécurité d’approvisionnement et la décarbonation du système énergétique.
Les énergies renouvelables sont souvent critiquées pour leur incapacité supposée à garantir une sécurité d’approvisionnement. Cette affirmation ne tient pas compte des avancées significatives en matière de gestion de leur variabilité, notamment grâce au développement de technologies de stockage comme les batteries de nouvelle génération et les solutions hydrogène déjà en fonctionnement sur notre territoire. La France dispose par ailleurs d’un savoir-faire reconnu pour adapter ses réseaux électriques et répondre aux fluctuations de production. Des exemples internationaux, tels que le Danemark ou l’Espagne, montrent qu’une part importante des renouvelables dans le mix énergétique peut être gérée efficacement.
Rappelons-nous du rôle essentiel des ENR durant la crise énergétique.
Nos filières ont généré 30,9 milliards d’euros de recettes pour l’Etat sur la période 2022-2023, afin de financer le bouclier tarifaire destiné à protéger les consommateurs de la hausse des prix de l’énergie.Nicolas UGALDE-LASCORZ
Les critiques des coûts liés aux garanties de prix pour les producteurs d’énergies renouvelables doivent également être nuancées. Si ces mécanismes représentaient initialement un investissement important, ils ont permis de réduire drastiquement les coûts de production. Si les signataires de cette tribune veulent absolument faire une comparaison avec l’énergie Nucléaire, aujourd’hui, le coût actualisé du solaire et de l’éolien terrestre est devenu compétitif face à celui du nucléaire. S’il on tient compte des charges liées à la maintenance, la prolongation de la durée de vie, les déchets radioactifs ainsi que du démantèlement, le nucléaire est plus coûteux et risqué en termes financiers, notamment pour les nouveaux projets, où le coût du MWh peut atteindre voire dépasser 110 €/MWh. Les investissements dans les ENR s’inscrivent ainsi dans une logique de long terme, visant à construire une filière moins dépendante des fluctuations géopolitiques, en particulier celles affectant les combustibles.
Une autre critique fréquente concerne la dépendance aux importations de composants pour les installations ENR. Effectivement, nous ne pouvons que regretter que l’Etat n’ait pas, dès les années 2000, soutenu massivement l’émergence d’une filière de constructeurs. Cette dépendance aux importations existe donc, mais elle est en cours de résolution grâce à des initiatives de relocalisation industrielle. Des projets d’envergure, comme les usines de panneaux solaires à Grenoble ou la production d’éoliennes offshore à Cherbourg, illustrent cette dynamique. La structuration de filières ENR constitue d’ailleurs un facteur notable de création d’emplois locaux et qualifiés (102 000 en 2021) et contribue ainsi au développement économique des territoires.
L’augmentation des prix de l’électricité est un sujet légitime, mais attribuer cette hausse uniquement aux ENR relève d’une simplification. Selon la Commission de régulation de l’énergie, l’essentiel des augmentations est lié à la flambée des prix du gaz sur les marchés mondiaux. En parallèle, des dispositifs comme le bouclier tarifaire protègent les ménages les plus vulnérables. Développer les ENR permettra, à terme, de réduire notre exposition aux énergies fossiles, particulièrement volatiles sur les marchés internationaux.
C’est une énergie de décentralisation, de territoire.
Collectivités comme habitants peuvent s’associer aux projets et agir concrètement en faveur de la production d’énergie propre et d’une certaine souveraineté retrouvée.Nicolas UGALDE-LASCORZ
S’agissant du coût final des filières ENR, il y aurait encore à dire. Rappelons-nous du rôle essentiel des ENR durant la crise énergétique. Nos filières ont généré 30,9 milliards d’euros de recettes pour l’Etat sur la période 2022-2023, afin de financer le bouclier tarifaire destiné à protéger les consommateurs de la hausse des prix de l’énergie. Cette manne financière a permis de compenser une partie significative des dépenses publiques. Les conditions de marché et de production ont permis à la filière éolienne de rembourser à l’Etat français l’intégralité de ce qu’elle avait perçu précédemment. Ainsi, les ENR ne coûtent plus rien à l’Etat !
Félicitons-nous de l’appropriation des énergies renouvelables par les citoyens. Pour la première fois, chacun s’interroge sur la provenance, la production, le coût de l’énergie. Les ENR fournissent au niveau national, mais ont un impact très local ; c’est une énergie de décentralisation, de territoire. Collectivités comme habitants peuvent s’associer aux projets et agir concrètement en faveur de la production d’énergie propre et d’une certaine souveraineté retrouvée. Cette transition ne doit pas opposer nucléaire et renouvelables, mais encourager leur complémentarité pour construire un modèle résilient et durable. Les énergies renouvelables, par leur caractère infini et inépuisable, offrent une réponse durable aux besoins actuels et futurs de la France, et garantissent la préservation de nos ressources.